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Saint-Emilion, LE livre
25 août 2013

Tertre Roteboeuf : une philosophie du vin

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Extrait de l'entretien avec François Mitjaville

Tertre-Roteboeuf, un cru à part ? 

Est-ce que cela vient de moi (je serais quelqu’un à la fois de très sociable qui apprécie la civilisation tout en me tenant en même temps en retrait) ou est-ce que cela vient de mon histoire ? On peut l’expliquer de façon raisonnable par l’histoire : lorsque j’ai pris Tertre-Roteboeuf – qui appartenait à la famille de ma femme – il était hors de question de classer un cru en dehors des limites de Saint-Émilion. C’était un principe, avec peut-être deux exceptions : Larcis-Ducasse et Haut-Sarpe.

J’ai tout de suite pensé que l’on pouvait y faire un très grand vin en me f… d’avoir ou non l’appellation. Cette propriété a gagné son renom auprès d’amateurs du monde entier qui n’étaient peut-être pas très conventionnels, des gens que cela faisait rêver de trouver des choses délicieuses en dehors des critères des classifications, comme on pourrait être ébloui par un petit tableau dans une brocante alors que d’autres voudraient à tout prix acheter des Renoir. J’en étais fier, j’en étais heureux. Aurais-je dû demander à être classé pour rentrer dans le rang ? N’aurais-je pasdéçu la clientèle qui m’avait découvert ? Je n’ai donc jamais demandé l’appellation. Et je crois que je ne la demanderai jamais. Et pourtant je suis très respectueux des appellations. En côtes de Bourg, ils avaient aussi prévu de faire un classement. J’avais alors prévenu le Syndicat que je ne la demanderai pas, parce que ma vie a été ainsi faite et que j’en ai été heureux. Quelque part, le fait de ne pas être classé m’oblige à faire un vin merveilleux tous les ans. Une bravade, en quelque sorte

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Un grand vin ne se ferme pas

J’ai toujours défendu l’idée qu’un très grand vin est toujours délicieux et ne se ferme pas. Dès sa jeunesse, il est éclatant. Ceci dit, c’est une position un peu dogmatique, en ce sens où vous avez des millésimes qui vous jouent des coups étranges. Il y en eut un l’autre jour, dont je doutais depuis longtemps, et qui là se goûtait remarquablement. C’est étonnant. Un vin fermé, c’est souvent un vin dont les tannins n’étaient pas totalement à maturité. Ils sont un peu rudes. Jeune, il a une expression aromatique « primeur » car il n’a pas d’arômes confits. Le piège dans lequel tombent tous les professionnels, c’est lorsqu’ils dégustent en primeur. S’ils voient une robe violacée, ils devraient s’inquiéter, car cela indique de l’acidité. Si l’odeur est sur des arômes « primeur » intense, il doit se dire attention, je vais avoir une explosion aromatique de jeunesse qui va me charmer et masquer la rudesse des tannins. En bouche, il faut essayer de ne percevoir que les tannins. Pourquoi ? Parce qu’un peu plus tard, quand cette gamme aromatique primeur va chuter, le vin se fermera et il faudra attendre que les tannins vieillissent pour que le vin s’ouvre. Mais ce ne sera jamais une aromatique de fruit bien mûrs. Les grands vins ne se ferment pas. Ils ont peut-être des phases où ils sont un peu tristes, mais c’est tout. Si vous avez poussé suffisamment l’élevage dans un processus évolutif des saveurs, vous vous dites qu’il n’est pas possible qu’il se ferme, ce vin ! Car il est déjà parti sur l’évolutif. Par exemple, j’aime beaucoup Roc de Cambes 2009 et je sais qu’il sera critiqué tout au long de sa vie car il est trop évolué. Mais je sais qu’il ne se fermera pas et que dans 30 ans… Parce que l’on confond la maturité du fruit et de l’élevage avec celle de l’âge, voyez-vous ? Ce qui fait qu’un vin vieillit, c’est l’ampleur aromatique. Un vin vit sur son fruit. Un fruit de bon aloi, que l’on éclate à travers les fermentations alcoolique et malolactique, que l’on civilise à travers l’élevage en barriques et qui se dégrade de façon somptueuse à travers l’évolution de l’âge. À un moment donné, 20 ou 30 ans après, alors que le tertiaire est bien en place, il commence à s’épuiser. L’usure va apparaître, car la sécheresse de la structure ressort.

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Voir l'album photo ICI

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